Réensauvagement : quand le droit rencontre la restauration des écosystèmes
Qu’est-ce que le réensauvagement?
Le réensauvagement, c'est l'idée de protéger l'environnement par la réduction de l'occupation humaine des espaces.
Le principe est de laisser la nature se développer librement afin de favoriser la restauration des écosystèmes tout en limitant au maximum l'intervention humaine.
Si cette notion a le vent en poupe dans le monde scientifique et biologique, qu'en est-il de sa traduction dans le monde juridique ?
Apparue dans les années 90, la notion de rewilding est issue de la réflexion de scientifiques biologistes américains, dont Michael Soulé et Dave Foreman, qui développent un projet de conservation des écosystèmes en laissant libre court à l'évolution de la nature, en mettant en place des espaces vierges de toute activité humaine, et en réintroduisant des espèces viables en coévolution avec d'autres espèces.
Si le réensauvagement est une solution prônée par des biologistes et des militants écologistes face à l' effondrement de la biodiversité, comment ce concept est-il appréhendé par le droit international et européen de l'environnement ?
Du point de vue du droit international d'abord, s'il n'existe pas de traité en tant que tel portant spécifiquement sur le réensauvagement, il existe plusieurs instruments internationaux notamment liés à la conservation de la biodiversité qui peuvent être indirectement associés au rewilding.
On pense en premier lieu à la Convention sur la diversité biologique adoptée en 1992, instrument international juridiquement contraignant qui vise la protection des écosystèmes, notamment en incitant les Etats parties à créer des zones protégées pour conserver la diversité biologique.
Autre instrument onusien cette fois, lors de l'Assemblée générale des Nations Unies de mars 2019, la décennie 2021-2030 a été proclamée Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes afin d'appeler les Etats à « prendre systématiquement en compte la restauration des écosystèmes dans les politiques et les plans visant à faire face aux priorités et aux problèmes de développement posés par la dégradation des écosystèmes marins et terrestres, la perte de biodiversité et la vulnérabilité face aux changements climatiques ».
La Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, adoptée le 17 juin 1994, a mis en place la grande muraille verte visant à restaurer, d'ici 2030, 100 millions d'hectares de terres dégradées dans les onze pays de la bande soudano-sahélienne. L'objectif de cette initiative consiste concrètement à accroître la végétation sur une bande longue de 8000 km allant du Sénégal à Djibouti, et à promouvoir la régénération naturelle des espèces locales.
Si la Convention de 1994 n'évoque pas directement le réensauvagement, elle mentionne en revanche dans son article premier la restauration des terres désertifiées.
A l'échelle européenne ensuite, si le rewilding n'apparaît pas explicitement dans le droit de l'Union européenne, l'essence de la notion apparaît dans plusieurs textes législatifs.
Il en est ainsi de la Directive concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage adoptée le 21 mai 1992. Il est question dans cette Directive de réintroduction d'espèces et de rétablissement d'habitats naturels. L'objet de cette Directive est de permettre aux Etats membres de créer des zones de protection particulières (nommées Zones spéciales de conservation) afin de protéger les espèces et types d'habitats les plus vulnérables.
L'idée de réensauvagement apparait également dans la Directive concernant la conservation des oiseaux sauvages du 30 novembre 2009, notamment par la création de zones de protection qui font partie des mesures devant être prises par les Etats membres afin de rétablir une diversité pour l'ensemble des espèces d'oiseaux et par le rétablissement des biotopes détruits.
Enfin l'actualité législative européenne se montre encourageante quant à l'appropriation de cette notion biologique du réensauvagement par le droit puisqu'a été adopté le Règlement sur la restauration de la nature du 17 juin 2024. Ce Règlement vise à mettre en place des mesures en vue de restaurer d'ici à 2030, au moins 20% des zones terrestres et des zones marines de l'UE, et d'ici à 2050 l'ensemble des écosystèmes ayant besoin d'être restaurés.
En somme, derrière l’idée de réensauvagement se profilent des questions philosophiques, scientifiques, juridiques, sociologiques. Finalement, c'est la manière dont nous occupons l'espace qui est interrogée avec ce concept, avec en toile de fond le droit de l'urbanisme, car il s'agit de repenser l'artificialisation des espaces naturels et de diminuer l'extension des villes.
Du point de vue du droit international et européen de l'environnement, malgré un caractère morcelé, le concept apparaît dans plusieurs instruments juridiquement contraignants qui incitent les Etats à restaurer les écosystèmes.
Si le droit est le reflet de l'évolution de la société, il peut aussi prendre de l'avance et être un levier pour poser des lignes pour la restauration de la biosphère, comme c'est le cas de la Directive sur la restauration de la nature.