Quid de l’ecocide en droit de l’ue?
Dès 2021, la Commission européenne avait constaté que les atteintes portées à l’environnement se plaçaient en quatrième position des activités criminelles les plus importantes dans le monde, après le trafic de stupéfiant, le trafic d’armes et la traite des êtres humains. En raison du morcellement du droit pénal de l’environnement et des lacunes du droit pénal dans la lutte conte la criminalité environnementale, les auteurs de ces crimes (mafias, organisations criminelles, mais aussi entreprises multinationales) agissent le plus souvent en toute impunité.
En toute impunité ou quasi impunité lorsque des sanctions existent. C’est ainsi que le navire Probo Koala, battant pavillon panaméen et affrété par une compagnie suisse, a déversé en 2006 des centaines de tonnes de déchets toxiques au large des côtes ivoiriennes, provoquant des dommages irréversibles pour l’environnement et entrainant la mort de 17 personnes et l’intoxication de plus de 40000 autres. L’entreprise multinationale a été condamnée à un million d’euros d’amende, un montant dérisoire compte tenu des conséquences de l’infraction.
C’est en réponse à ce constat alarmant qu’a été adoptée la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal du parlement européen et du conseil, entrée en vigueur le 20 mai 2024. Si la directive n’utilise pas directement le terme d’écocide, elle le vise dans son considérant 21 : “Les infractions pénales relatives à un comportement intentionnel (…) peuvent conduire à des résultats catastrophiques, tels qu’une pollution généralisée, des accidents industriels ayant des effets graves sur l’environnement ou des incendies de forêt de grande ampleur. (…) Ces infractions pénales qualifiées peuvent englober un comportement comparable à un “écocide”, qui est déjà couvert par le droit de certains Etats membres et fait l’objet de discussions dans les enceintes internationales.”
La directive de 2024 opère une avancée importante en reconnaissant dans son article 3 paragraphe 3, une infraction qualifiée si les comportements illicites sont commis intentionnellement et conduisent :
- soit à la destruction d'un écosystème d'une taille considérable ou d'une valeur environnementale considérable ou d'un habitat au sein d'un site protégé, ou des dommages étendus et substantiels qui sont soit irréversibles soit durables à un tel écosystème ou habitat,
- soit à des dommages étendus et substantiels qui sont soit irréversibles soit durables à la qualité de l'air, du sol ou de l'eau.
Si la consécration expresse de la notion d’écocide n’a finalement pas été retenue par le législateur européen, la nouvelle notion d’infraction pénale qualifiée s’en approche fortement et pourra certainement conduire à un élargissement du champ de la responsabilité pénale.
Du point de vue du droit français, l’infraction d’écocide est déjà réprimée : elle figure à l’article L231-3 du Code de l’environnement.
Il faudra alors opérer une articulation entre les notions d’écocide et d’infraction qualifiée, en ayant à l’esprit que les comportements réprimés sont plus importants dans la directive qu’en droit français.
Notons en outre que la condition d’une intention de causer des dommages à l’environnement pour qualifier l’infraction est exigée dans les deux cas. Cela signifie que la responsabilité est liée à l’intention de nuire et non aux conséquences de l’acte.
On le voit, en refusant d’inscrire explicitement la notion d’écocide, la directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal est encore empreinte de la philosophie cartésienne selon laquelle l’Homme domine la Nature et toutes les autres créatures. Ce que l’on peut espérer, c’est que du point de vue des sanctions pénales mises en oeuvre par la directive, s’opère un renforcement des sanctions efficaces permettant de garantir le respect du droit de l’UE en matière environnementale.