Ecofeminisme: L’alliance entre egalite des genres et protection de la planete

L'idée de lier les luttes écologistes et féministes est apparue avec la naissance du mouvement écoféministe, lorsqu'en 1972, Françoise d'Eaubonne, philosophe et militante française, emploie le terme pour la première fois dans son ouvrage intitulé « Le Féminisme ou la mort ».

Ce mouvement militant et académique est un courant de pensée qui voit dans la domination des hommes sur les femmes et la surexploitation de la nature une similitude et une origine commune.

S'il n'a pas trouvé écho en France dans les années 70, le mouvement est lancé aux Etats-Unis dans les années 80 avec la marche de Washington, le Women's Pentagon Action.

Lors de cette manifestation pacifique se réunissent des femmes, dans un contexte de guerre froide et de menace de l'utilisation de l'arme nucléaire, militantes du mouvement pour la paix, du mouvement écologistes, du mouvement de libération des femmes.

Suivront d'autres mouvements à travers le monde, en Amérique Latine par exemple, où les femmes indigènes ont mené des luttes contre la déforestation en Amazonie. Parmi elles, Watatakalu Yawalapiti est la première femme représentante d'Amazonie à l'étranger, figure politique montante actuelle au Brésil, après une vie à militer pour la terre et les femmes.

Qui sont les grandes figures de l'écoféminisme ? Que dénoncent-elles ?

Ce courant de pensée place au centre de sa réflexion les relations existantes entre la double oppression qui frappe les femmes et la nature.

Loin de se poser en victimes des différentes formes de domination, c'est au contraire une démonstration de puissance des femmes qui est révélé à travers ces mouvements.

Capables d'occuper des camps de bases prévues pour des installations missiles nucléaires afin de les empêcher et de protéger les générations futures (tel que le Greenham Common Women's Peace Camp en Angleterre entre 1981 et 2000), le militantisme pacifique est une façon de reprendre le pouvoir.

Aujourd’hui, lorsqu'on évoque l'écoféminisme, on pense nécessairement à Vandana Shiva, militante écologiste et écoféministe indienne dont l'influence est mondiale. A travers ses écrits et ses prises de paroles, elle établit les liens existants entre crise écologique, patriarcat et capitalisme.

Elle rejoint dans les années 1970 le mouvement Chipko (littéralement « s'accrocher »), par lequel les femmes d'un village de haute altitude dans la région himalayenne de l'Inde, ont lutté contre des opérations d'exploitation forestière en enroulant leurs bras autour des arbres, obligeant le gouvernement indien à abolir le système d'abattage des arbres par contrat privé.

Dans son ouvrage « Mémoires terrestres », Vandana Shiva écrit :

«  Ma participation au mouvement Chipko et à de nombreux mouvements écologiques depuis lors m'a convaincue que les femmes sont à l'avant-garde de la défense de la Terre. En 1985, lors de la conférence de fin de la Décennie des Nations Unies pour la femme, j'ai expliqué que les racines de la domination et de l'exploitation de la nature et des femmes étaient les mêmes, et que la libération de la nature et celle des femmes se confondaient également, puisque nous faisons partie de la nature et que nous n'en sommes pas les maîtres ou les propriétaires. »

Les racines de cette double domination étant pour l'essentiel le patriarcat capitaliste et les systèmes alimentaires industriels.

Les luttes des écoféministes sont intimement liées à l'agriculture. Du fait de la déforestation et des industries extractivistes, l'agriculture traditionnelle est mise à mal dans les pays du sud.

Au Kenya, le mouvement de la « Ceinture verte » est né en 1977 grâce à la militante et prix Nobel pour la paix Wangari Muta Maathai. Face à la déforestation et à la diminution des ressources naturelles qu'elle entraine, un groupe de femmes kenyanes décident de reboiser les zones touchées.

Si les écoféministes dénoncent les modèles établis, quelles solutions proposent-elles ?

Au delà de la remise en cause du modèle patriarcal et capitaliste, Vandana Shiva explique que l'écoféminisme permet de révéler les solutions qui sont entre nos mains.

C'est une philosophie basée sur l'interconnexion : c'est la reconnaissance d'une interdépendance entre toutes les espèces vivantes sur cette même et unique planète, la bonne santé des êtres vivants étant inéluctablement liée à la bonne santé de la Terre.

Selon Vandana Shiva, l'agroécologie et l'écoféminisme « reconnaissent la créativité de la nature, des femmes et des agricultrices, créent des systèmes de connaissances et des structures économiques qui fonctionnent selon les lois écologiques de la nature, et prônent la justice sociale et la justice entre les genres, sur la base du principe d'égalité entre tous les êtres humains ».

C'est dans la reprise en main de notre autonomie alimentaire à travers l'agroécologie que se trouve l'une des solutions majeure.

Dans son ouvrage « Résistances des femmes à l’Androcapitalocène : le nécessaire écoféminisme », Catherine Albertini relève que les mouvements de luttes initiés par les femmes tels que le mouvement Chipko ou de la « Ceinture verte » sont des moyens de réappropriation des terres, de la nature, des moyens de revendiquer le droit de vivre dans un environnement sain lorsque ce droit n'est pas respecté par les Etats et l'industrie agro alimentaire.

L'écoféminisme est une philosophie qui prône l'égalité entre les sexes et une approche de la nature fondée sur le respect, et non sur l'accaparement.

A travers leurs actions et leurs prises de parole, les écoféministes font entendre leurs voix jusqu'à influer sur les législations en matière environnementale.

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